JamboMama! Habari za mimba?
Bonjour, je m’appelle Laetitia. Je suis anthropologue de formation et j’ai habité et travaillé en Afrique et en Asie plusieurs dizaines d’années.
Congo
Jeunes mariés, mon mari Jiddo et moi sommes allés au Congo (RDC) où nous avons fait du volontariat comme professeurs d’anglais dans un lycée pour futurs enseignants à Jomba, Nord Kivu. Notre première fille est née là-bas, dans un dispensaire rural sans électricité. Mon mari devait pédaler sur un vélo fixé au sol pour faire marcher la lampe qui éclairait la sage-femme..
Lesotho
Nous avons ensuite passé deux ans au Lesotho, où j’ai fait ma recherche de terrain et de littérature pour ma licence en anthropologie culturelle de l’université d’Utrecht aux Pays-Bas, ainsi que des consultances sur le développement communautaire pour des ONGs. Jiddo a rejoint les rangs du UNHCR (Haut Commissariat des Nations Unies pour les Refugiés) et nous avons ensuite voyagé d’un pays à l’autre, suivant ses postes.
Somalie
Le premier poste de mon mari avec le HCR fut le plus inouï et le plus difficile, la Somalie (1979). C’est là que j’ai découvert les dégâts et la souffrance causées par la mutilation génitale imposée aux filles et femmes et les mariages précoces de jeunes filles à peine pubères avec des hommes de parfois trois fois leur âge. La souffrance indicible provoquée par les relations sexuelles imposées sur ces filles adolescentes ou même préadolescentes, excisées et infibulées ; la peur intense qui se lisait sur leurs visages quand elles étaient admises à l’hôpital en raison des dégâts quasi irréversibles sur leurs organes et parties intimes. Les conséquences de l’excision et l’infibulation lors de l’accouchement, les fistules et les souffrances qu’elles causaient.
Sénégal et bref retour au Congo
La vie était agréable au Sénégal où mon mari fut nommé de 1986 à 1990. Je savais que la plupart des filles et femmes y étaient excisées mais pas comme en Somalie, cela ne semblait avoir des répercussions graves sur leur vie sexuelle ou le déroulement de l’accouchement, même s’il va sans dire que bon nombre parmi les milliers – ou des millions ? – de filles et jeunes femmes excisées l’ont subi par soumission, trop jeunes pour pouvoir s’opposer si elles l’auraient souhaité. Après le Sénégal, mon mari fut nommé à Kinshasa, un poste qui se transforma presque immédiatement en lieu d’affectation interdit aux familles à cause de graves turbulences politico-militaires. Je suis donc retournée en Europe avec nos deux filles encore à la maison, alors que l’aînée venait de commencer ses études aux Pays-Bas.
Laos
De 1998 à 2002 nous avons vécu au Laos, où j’ai adoré visiter les villages isolés pour partager pour quelques jours l’existence de leurs habitant. Facilement, un bon rapport simple de complicité féminine s’installait avec les maîtresses des maisons qui nous hébergeaient, mon guide et moi. J’ai rencontré lors de ces errances des jeunes filles et femmes, la plupart mariées selon la coutume, m’annonçant timidement ‘Je vais mourir’. J’ai mis du temps à déchiffrer cette expression. Cela signifiait en réalité ‘Je suis enceinte’. Un petit sondage en direct sur le terrain a tout de suite démontré que le risque de perdre sa vie en la donnant était bien élevé : c’est pourquoi elles avaient peur de mourir plutôt que de se réjouir d’attendre un enfant.
J’ai fait des consultances pour des organisations des Nations Unies, la Banque Asiatique du Développement et l’Agence Française de Développement. Toutes ces expériences m’ont poussées à réfléchir à la mortalité maternelle dans les régions isolées, privées de toute forme de soins de santé modernes. Quand j’ai eu mon premier enfant, j’étais trop jeune et ignorante moi-même pour comprendre les risques d’un accouchement loin d’un centre équipé pour les urgences obstétriques. Nous étions là dans un esprit de solidarité et fraternité. On vivait donc cette tranche de notre vie autant que possible comme nos amis sur place.
Genève
Durant les périodes pendant lesquelles mon mari était en poste au siège du HCR à Genève, j’ai travaillé avec des ONGs pour réfugiés et migrants, pour les droits de l’enfant, et pour les urgences humanitaires. Après la retraite de mon mari du HCR, nous sommes restés à Genève. Nos trois filles ont quitté la maison depuis longtemps. Leurs grossesses ont été une source de joie pour elles, comme elles le furent pour moi et pour des millions de femmes dans le monde. L’angoisse et la peur ne représentèrent que de brefs moments et ne furent pas les compagnons permanents de nos grossesses.
Depuis notre retour définitif en 2003, je suis membre de plusieurs groupes de défense des droits humains, actuellement surtout pour l’accès à la santé physique et mentale pour tous. J’assiste régulièrement à des évènements sur les droits de l’homme et le développement alternatif et équitable organisé par les organisations des Nations Unies ou la société civile militante à Genève.
Haïti
Début septembre 2010, je suis allée à Haïti où mon mari était en mission après le tremblement de terre de janvier 2010. Cela m’a permis de faire une courte mission avec Handicap International, lors de laquelle je me suis rendue compte à quel point un système référentiel efficace et une meilleure communication à tous les niveaux auraient pu rapidement améliorer l’accès à la santé pour tous.
Genève
Depuis 2011 je suis coach de volontaires envoyés en mission par une ONG française, la DCC (Délégation Catholique pour la Communication). Un travail très enrichissant qui me plaît énormément, même s’il est intense et non-rémunéré.
Et depuis presque deux ans maintenant je suis complètement investie dans la réalisation de mon projet JamboMama!, basé sur ma conviction intime qu’il est inadmissible que des millions de femmes se sentent seules, sans soutien fiable, et risquent de mourir pendant la grossesse, à l’accouchement ou peu après, alors qu’il existe des outils électroniques modernes qui peuvent les connecter rapidement aux services de santé. Un outil qui les permet de gérer leur grossesse et leur santé, leur donne des info et conseils clairs, les aide à détecter et déjouer des signes de danger, les exhorte à se présenter aux services de santé avant qu’il ne soit trop tard. Ainsi, on sauvera des vies de femmes et d’enfants.
Quand l’idée à commencé à mûrir dans ma tête, je me suis mise à surfer sur la toile pour trouver un partenaire technique. Je suis tombée sur Moventes, une entreprise française qui développe des applications mobiles, dont j’ai ensuite rencontré le fondateur et directeur, Pierre-Emmanuel Dubreuil. J’ai été vraiment chanceuse. Non seulement est-il un excellent ingénieur en technologie informatique, très méticuleux, mais il venait de devenir papa pour la première fois, et étais encore complètement ébahi par le miracle et la joie de la grossesse et la naissance, mais en même temps bien conscient des risques que ces évènements comportent.
Notre collaboration a été formidable dès le début et c’est la raison pour laquelle je crois que JamboMama! aura un impact positif sur une meilleure gestion de la grossesse et l’accouchement dans les ‘déserts médicaux’. C’est aussi pourquoi je crois que notre vision des besoins en outils de communication mobile pour les communautés rurales est la bonne. Nos inventions feront la différence, c’est grâce à ces outils que les villageois laissés en marge du développement national entrerons dans le monde moderne comme agents de leur destin.
Bravo Laetitia d’aller jusqu’au bout de tes convictions. Ce sujet de la femme enceinte vulnérable mérite toute notre compassion.
Amitiés,
Marie Claire Ohana
Merci Marie Claire ! La femme enceinte dans un désert médical qui, de surcroît, a un statut très bas dans la société, a besoin de notre soutien pour lui donner un outil qui lui permet de comprendre et gérer sa maternité et ainsi la vivre sereinement, puisque bien suivie par un service médical compétent.